BILLET d’HUMEUR – (Enfin) Un guide de la haute autorité de santé sur la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès

Catégorie : Droits des patients, exercice professionnel, responsabilité
Date : 19/03/2018

Par Aude CHARBONNEL, consultante du Centre de droit JuriSanté du CNEH

Afin d’aider les professionnels de santé à prendre en charge leurs patients en fin de vie, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié un guide qui décrit comment mettre en œuvre la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD)[1]. Ce guide propose ainsi des outils pour les professionnels de santé pour les aider à la décision et à la mise en œuvre de cette sédation, dans le respect du cadre juridique.

Rappel du cadre juridique et contenu du guide

La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie[2] a autorisé le recours à la SPCMD[3]. Si la mise en œuvre de cette sédation profonde et continue est une réalité dans les établissements de santé, les professionnels ont souvent des interrogations quant aux règles applicables.

Le guide donne dans un premier temps une définition des pratiques sédatives à visée palliative puis précise quand la sédation profonde et continue chez un patient peut être indiquée. Il insiste particulièrement sur la différence entre la SPCMD et l’euthanasie. La HAS rappelle ensuite que la SPCMD peut être mise en œuvre à la demande du patient[4] ou pour un patient qui ne peut pas exprimer sa volonté.

Les auteurs du guide soulignent que chaque situation est singulière et complexe et demande donc une évaluation attentive et approfondie. En outre, la procédure collégiale obligatoire sera différente et à adapter selon que :

  • Le patient est conscient et demande une SPCMD en raison d’une souffrance réfractaire
  • Le patient est conscient et la décision d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable
  • Le patient n’est pas conscient et une décision d’arrêt des traitements de maintien en vie est prise

Le guide rappelle que la SPCMD nécessite une organisation des modalités pratiques puis une procédure et une évaluation strictes. Enfin, les auteurs affirment que le soutien des proches mais aussi des professionnels de santé est essentiel et ils donnent des pistes en ce sens.

Le guide propose aussi des focus en complément : sur la liste et l’accessibilité des professionnels de soins palliatifs, sur les modalités de la procédure collégiale, sur l’évaluation du caractère réfractaire de la souffrance ou de la décision du patient d’arrêter un traitement engageant son pronostic vital et sur l’administration du midazolam, un hypnotique sédatif, le plus souvent utilisé.

Commentaire

Confrontés aux imprécisions des textes et à la médiatisation de contentieux liés à la fin de vie[5], les professionnels de santé ont d’autant plus besoin d’outils leur permettant de sécuriser leur décision. Ce guide qui définit des bonnes pratiques en complément des travaux de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) est donc essentiel et indispensable. On peut toutefois regretter son délai de production (plus de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi !).

Il est également important de préciser que dès leur publication les recommandations issues du guide ont été critiquées par les partisans de l’euthanasie mais aussi par le président de la Fédération des médecins de France, Monsieur Jean-Paul Hamon qui affirme que « les praticiens n’étaient pas forcément demandeurs » et que « moins on encadrera ces fins de vie, moins on légifèrera, plus ce sera simple à prendre en charge ».

Décidément, ce sujet délicat de la fin de vie n’a pas fini de diviser…

A noter : La HAS doit produire des recommandations sur les traitements médicamenteux utilisés pour la sédation d’ici la fin de l’année 2018.

[1] https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2018-03/presse_dp_reco_fin_de_vie.pdf

[2] LOI n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie 

[3] Articles L1110-5-2 et R4127-37-3 du code de la santé publique

[4] Cela peut concerner le patient mineur dès lors qu’il est doué d’une certaine maturité et d’une capacité de discernement jugée suffisante ainsi que le patient majeur protégé, dans le respect des règles issues du code civil et du code de la santé publique

[5] Par exemples : CEDH, 23 janvier 2018, Affaire Afiri et Biddarri contre France, 1828/28 et CEDH, 5 juin 2015, Lambert et autres contre France, n°46043/14