NOTES DE JURISPRUDENCE – Droits des patients

Catégorie : Droits des patients, exercice professionnel, responsabilité
Date : 01/03/2018

Par Myriam TAMRAZ, juriste apprentie du Centre de droit JuriSanté

CEDH, 16 novembre 2017, Affaire Boukrourou et autres contre France, n°300059/15

Faits : Suite au comportement très agité d’un de ses clients souffrant de troubles psychiatriques, un pharmacien fit appel aux policiers. Ces derniers, se heurtant au refus du client de sortir de l’établissement usèrent de la force afin de le maitriser. Le saisissant par le bras et le mollet, l’intéressé tomba sur le sol, mais ne parvenant toujours pas à le menotter l’un des fonctionnaires de police lui asséna deux grands coups de points sur le plexus. Une fois menotté et monté de force dans le fourgon, l’intéressé continua de se débattre avant de chuter par terre à plat ventre permettant ainsi aux policiers de le menotter à terre. Constatant une détresse cardiaque, les policiers firent appel aux sapeurs-pompiers qui procédèrent à un massage cardiaque, malgré lequel le patent décéda…

La Cour de cassation a confirmé l’ordonnance de non-lieu redue par la chambre de l’instruction selon laquelle les charges retenues contre les policiers étaient insuffisantes pour conclure à un délit d’homicide volontaire. Suite à cette décision, plusieurs membres de la famille du défunt ont saisi la CEDH.

Problématique : Les fonctionnaires de police ont-t-ils porté atteinte au droit à la vie et/ou à l’interdiction des traitements inhumains et dégradants garantis par la Convention européenne des droits de l’homme ?

Textes applicables : Article 2 de la Convention EDH sur le droit à la vie, article 3 de la Convention EDH sur l’interdiction des traitements inhumains et dégradants

Décision : Concernant l’article 2, la Cour considère que l’usage de la force par les fonctionnaires de police pour maitriser le défunt ne lui a pas en lui-même été fatal. D’autre part, bien qu’il existe un certain lien de causalité entre la force utilisée et la mort de l’intéressé, les policiers ignoraient la pathologie cardiaque dont il souffrait et qui, accumulée au stress, était susceptible de mettre en danger sa vie. Enfin, la Cour souligne que les policiers ont très rapidement appelé les secours et n’ont donc pas manqué à leur obligation de protéger la victime.

En revanche, le fait d’avoir très rapidement usé de la force de façon inefficace, violente et répétée sur une personne vulnérable car souffrant de troubles psychiatriques n’était ni justifié, ni strictement nécessaire. La Cour considère que les agissements des policiers, bien que dépourvus de l’intention d’humilier l’intéressé, sont néanmoins constitutifs d’une atteinte à la dignité humaine les rendant incompatibles avec l’article 3. La France a ainsi été condamnée pour traitements inhumains et dégradants à indemniser le préjudice moral des requérants.

CAA Bordeaux, Mme A…, 14 novembre 2017, n°17BX02242 (soins psychiatriques sans consentement-compétence du juge judiciaire)

Faits : Le directeur d’un centre hospitalier a ordonné l’admission d’une patiente en soins psychiatriques sans consentement pour une durée de 72 heures, qui a finalement été prolongée pour 1 mois. La patiente a alors saisi le juge administratif pour demander l’annulation de ces décisions.

Problématique : Quel ordre de juridiction est compétent pour connaitre du contentieux relatif aux soins psychiatriques sans consentement du patient ?

Décision : La Cour administrative d’appel rappelle que la loi du 5 juillet 2011 a créé un bloc de compétence au profit du juge judiciaire, et ce dans un but de bonne administration de la justice. Ainsi le juge judiciaire est désormais le seul compétent pour connaitre d’un litige relatif à la légalité des décisions d’admission, ou du maintien en soins psychiatriques.