NOTE DE JURISPRUDENCE – Défaut d’information sur les risques associés à un traitement médicamenteux et lien de causalité avec la pathologie

Catégorie : Droits des patients, exercice professionnel, responsabilité
Date : 29/03/2019

A propos de l’arrêt du Conseil d’État n°418458 du 18 mars 2019

Par Aude Charbonnel, consultante du centre de droit JuriSanté du CNEH

Décision

La requérante soutient que :

  • Le centre hospitalier a commis une faute en ne l’informant pas des risques liés à la prise d’antirétroviraux pendant sa grossesse.
  • Dès lors les troubles autistiques dont souffre son fils auraient été causés par l’administration périnatale de ces médicaments et que cette faute leur a causé, à son fils et à elle-même, des préjudices.

En effet, dans une lettre du 4 juin 1999 adressée à l’ensemble des médecins en activité, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a demandé que les femmes séropositives au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) soient informées du fait que l’absorption de médicaments antirétroviraux pendant la grossesse exposait l’enfant à naître à un risque accru de développer des atteintes mitochondriales provoquant des troubles neurologiques.

Le centre hospitalier, qui avait connaissance de ce que la patiente prenait un traitement antirétroviral en raison de sa séropositivité au VIH, n’établit pas avoir délivré à l’intéressée une telle information.

Toutefois, au vu des conclusions de l’expert neurologue et dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation des faits, la Cour administrative d’appel (CAA Bordeaux, 28 décembre 2017, n°15BX03099) a considéré :

– d’une part, que les troubles autistiques manifestés par le fils de la requérante ne permettaient pas de caractériser une maladie mitochondriale,

– et, d’autre part, qu’il n’était pas établi que la prise de médicaments antirétroviraux pendant la grossesse aurait exposé l’enfant à naître à un risque accru de développer de tels troubles. En effet, selon l’expert, « il est peu probable que la maladie de l’enfant soit liée aux antirétroviraux, mais on ne peut exclure formellement cette hypothèse ». Par conséquent, la cour administrative d’appel conclut qu’il n’existe pas de lien de causalité certain entre la pathologie dont souffre l’enfant et la prise périnatale d’antirétroviraux par sa mère.

Dès lors, en déduisant de ces éléments que le manquement du centre hospitalier à son obligation d’information n’était pas à l’origine d’une perte de chance d’éviter les préjudices dont la réparation était demandée, la cour administrative d’appel n’a pas, selon le Conseil d’Etat, commis d’erreur de droit.

Commentaire

Cet arrêt de la haute juridiction administrative ne fait que rappeler la nécessité d’établir un lien de causalité entre la pathologie dont souffre la personne et la prise d’un traitement médicamenteux.

Un établissement de santé n’est donc pas condamnable en cas de manquement du médecin à son obligation d’information son patient sur les risques associés à un traitement médicamenteux si ce manquement n’est pas à l’origine d’une perte de chance d’éviter d’éventuels préjudices.

Quant à l’obligation d’information, toujours le même conseil pour les professionnels de santé: assurez une bonne traçabilité de sa délivrance dans le dossier médical du patient !