BILLET D’HUMEUR – Point sur les fouilles en établissement de santé… point de fouille automatique !

Catégorie : Droits des patients, exercice professionnel, responsabilité
Date : 09/01/2020

Aude Charbonnel, juriste, consultante au Centre de droit JuriSanté du CNEH

La fouille des patients et/ou de leur chambre dans les établissements de santé est par principe interdite du fait notamment du risque de l’atteinte à leur dignité (article L1110-2 du code de la santé publique) et à leur vie privée (art L1110-4 du code de la santé publique)[1]. Toutefois, pour des motifs exceptionnels et dans des conditions très strictes, la recherche d’objets dangereux peut être envisagée mais toujours avec la plus grande prudence.

Un arrêt du Conseil d’Etat de mars 2019 donne un éclairage intéressant sur les conséquences juridiques pour les établissements de santé du non recours à la fouille.

Rappel des grands principes :

  • L’hospitalisation (ou la prise en charge) du patient ne doit (et ne peut) en aucune façon le priver de ses droits et libertés fondamentales ;
  • En établissement de santé, la remise des biens est en principe volontaire ;
  • Les professionnels des établissements de santé ne sont pas habilités par loi ou le règlement à procéder à des fouilles ;
  • Une chambre d’hôpital occupée par un malade constitue pour lui un domicile protégé en tant que tel par la loi (CA Paris, 17 mars 1986, Nobel).

Mais, en parallèle :

  • Si les établissements de santé et leurs professionnels ont pour mission principale d’assurer les soins aux patients, ils doivent également empêcher toute mise en danger des personnes accueillies.

Ainsi la sécurité des usagers (mais aussi des professionnels !) figure parmi les sources de limitation des libertés du patient.

Analyse de l’arrêt du Conseil d’Etat du 18 Mars 2019 (n° 418985)

La Haute juridiction a considéré que la Cour administrative d’appel n’avait pas commis d’erreur de droit et n’avait pas inexactement qualifié les faits, en tenant compte des moyens dont disposait le service des urgences, qui n’était pas spécialisé en psychiatrie, et de l’état de la patiente lors de son admission.

Ainsi la circonstance que la patiente, âgée de 16 ans, avait pu conserver un briquet avec lequel elle a allumé un incendie, ne suffisait pas à établir un manquement fautif dans sa prise en charge.

En effet, pour retenir qu’aucun manquement aux règles de l’art n’avait été commis dans sa prise en charge lors de son admission au service des urgences, la cour administrative d’appel a retenu que le psychiatre de l’établissement qui l’avait examinée dès son arrivée avait défini des mesures adaptées à l’état de l’adolescente en la faisant placer, après administration d’un tranquillisant, dans une chambre d’isolement ouverte, donnant sur le couloir du service, avec mise en place d’une contention physique, et qu’eu égard aux obligations incombant à un service d’urgence et dans les circonstances de l’espèce, il ne pouvait être reproché au personnel soignant de ne pas avoir préalablement déshabillé et fouillé l’adolescente, qui portait un tee-shirt, un short et des sandales.

A retenir :

La recherche d’objets dangereux dans un établissement de santé doit être limitée aux hypothèses de danger réel et imminent.

En tout état de cause, elle doit être :

  • exceptionnelle ;
  • justifiée ;
  • et appropriée à une circonstance de fait.

Attention, le Conseil d’Etat suggère que les obligations des professionnels soient renforcées lorsque le patient est pris en charge dans un établissement de santé mentale mais sans donner davantage de précision.

En conclusion, il est indispensable de rappeler aux professionnels des établissements de santé que le risque de contentieux est à relativiser sinon ils pourraient être tentés d’utiliser trop facilement le principe de précaution au détriment du respect des libertés individuelles des personnes accueillies.

Et en ce qui concerne la « fouille » des sacs des patients qui viennent en consultation et des visiteurs à l’entrée des établissements de santé?

Dans le cadre du guide d’aide à l’élaboration d’un plan de sécurisation d’établissement d’avril 2017[2], la Direction générale de l’offre de soins du Ministère de la Santé rappelle que seuls les policiers et les gendarmes sont habilités à effectuer des ouvertures et fouilles de sacs, selon les conditions fixées par le code de procédure pénale. Dès lors, la loi n’autorise les agents de sécurité privée qu’à opérer une inspection visuelle des sacs de voyage. Toutefois, dans le cadre du contrôle d’accès des établissements de santé, les agents de sécurité privée (titulaire d’un certificat de qualification professionnelle et d’une carte professionnelle délivrée par le Conseil national des activités privées de sécurité), s’ils sont spécialement habilités par l’autorité préfectorale à la fouille, peuvent effectuer des opérations de contrôle. Dans tous les autres cas, il faut l’assentiment express de la personne.

A noter, l’interdiction d’accès à une personne refusant de se soumettre aux mesures de sûreté exigées doit être prévue dans le règlement intérieur de l’établissement et être clairement affichée à l’entrée du site.

[1] Par ailleurs, la fouille est assimilée à une perquisition et seuls certains professionnels ont le droit d’y procéder, selon les conditions fixées par le code de procédure pénale.

[2] https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/defense-et-securite-hfds/les-guides-du-hfds/article/guide-d-aide-a-l-elaboration-d-un-plan-de-securisation-d-etablissement-pse