Billet d’humeur – Des précisions (insuffisantes ?) sur les frais de copie du dossier médical ! A propos du décret n°2023-1426 du 30 décembre 2023

Catégorie : Droits des patients, exercice professionnel, responsabilité
Date : 31/01/2024

Aude Charbonnel et Isabelle Génot-Pok, consultantes au centre de droit JuriSanté du CNEH

Une décision de la cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rappelé les Etats membres à leurs obligations en matière de communication de dossiers médicaux à l’automne dernier (cf. note de jurisprudence).

Depuis, un décret du 30 décembre 2023 a modifié l’article R1111-2 du code de la santé publique (CSP) en supprimant toute référence aux frais de copie.

Désormais (et suite à la modification de l’article L1111-7 du CSP par la loi bioéthique du 2 août 2021), il n’y a plus de précision concernant la facturation des copies d’un dossier médical dans notre code de la santé publique.

On pourrait penser que le dispositif de communication est simplifié pour les établissements de santé. Toutefois, des questions demeurent et des consignes du ministère de la santé serait appréciées.

En attendant, nous vous proposons notre Foire aux questions:

Quid en cas de nouvelle demande de copies?

La CJUE dans son arrêt du 26 octobre 2023 prévoit que le responsable du traitement peut exiger un paiement uniquement lorsque le patient a déjà obtenu gratuitement une première copie de ses données et qu’il en fait à nouveau la demande. L’article R1111-2 du CSP ne donne aucune information sur ce point. Mais en raison de la primauté du droit de l’UE sur le droit interne, une facturation serait possible en cas de demande de nouvelles copies ; sous réserve qu’il s’agisse exactement des mêmes documents.

Quid des frais d’envoi des copies?

Dans sa rédaction précédente, l’article L1111-7 du CSP évoquait les frais laissés à la charge du demandeur: le coût de reproduction et, le cas échéant, de l’envoi des documents. Désormais, il n’y a plus aucune référence dans le code de la santé publique de ces frais d’envoi. Donc, a priori, il n’y a pas lieu de les facturer au demandeur.

Quid de la situation des ayants droit, du partenaire pacsé et du concubin ?

En cas de décès du patient, l’accès aux informations le concernant est strictement encadré s’agissant d’une dérogation au secret professionnel (article L1110-4 du CSP).

Pour rappel, l’ayant droit, le partenaire pacsé ou le concubin doivent motiver leur demande d’accès. Ils doivent donc préciser lors de leur demande le motif pour lequel ils ont besoin d’avoir connaissance de ces informations : connaître les causes du décès, faire valoir un droit, défendre la mémoire du défunt ou obtenir des informations en cas d’examen génétique au sein d’une famille. La motivation est une condition essentielle puisqu’elle détermine l’étendue de l’information à transmettre ; seules les informations qui répondent strictement à la question posée peuvent être transmises. Cette obligation juridique impose un tri de l’information avant toute transmission par le médecin.

Ainsi, les ayants droit du patient, son partenaire pacsé ou son concubin ne disposent pas des mêmes droits d’accès que le patient, les titulaires de l’autorité parentale ou le protecteur en cas de mesure avec représentation. Par conséquent, d’un point de vue du droit, les ayants droit, le partenaire pacsé ou le concubin ne bénéficient pas de l’application de la gratuité. Le ministère de la santé aura-t-il une approche plus pragmatique que juridique ?

Quid de l’absence de modification des articles L311-9 et R311-11 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) et de l’arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne, et notamment l’accompagnement de cet accès (modifié en 2007) ?

Patience… On ne peut que rappeler la primauté du droit de l’UE sur le droit interne.

Par ailleurs, un renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige dont elles sont saisies, d’interroger la CJUE sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’un acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.

Question en suspens : le dispositif européen doit-il s’élargir à tout type de demande d’accès à des informations à caractère personnel (par exemple : le dossier social des patients/des agents, le dossier de carrière des agents publics, …) ?

Quelle est la position de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) sur la gratuité des copies ?

La CADA ne s’est pas encore prononcée à date. On peut penser qu’un avis (à l’initiative d’un usager) ou un conseil (sollicité par un établissement de santé) devrait prochainement paraître.

Quelle utilisation de la messagerie sécurisée « Mon espace santé » ?

La gratuité de (la première) copie du dossier médical soulève la question des coûts à absorber par les hôpitaux. Peut-être que la solution viendra de l’utilisation de la messagerie de « Mon espace santé », afin de communiquer des éléments du dossier médical de façon sécurisée, sous réserve de l’accord du patient et de la faisabilité technique.

Quelle est la responsabilité de l’établissement de santé en cas de facturation pour une (1ère) demande ?

Il existe un risque de réclamation, d’une part, (commission des usagers et/ou délégué à la protection des données de l’établissement, Défenseur des droits) et de plainte pré-contentieuse ou contentieuse, d’autre part, (CADA, Commission nationale de l’Informatique et des Libertés, tribunal).