Fiche de synthèse – L’accueil, l’accompagnement et l’information des victimes de violences au sein des établissements de santé

Catégorie : Droits des patients, exercice professionnel, responsabilité
Date : 19/04/2022

Laurette Vilard, juriste, apprentie du centre de droit JuriSanté du CNEH

Dans le prolongement du Grenelle des violences conjugales et du rapport de la mission d’inspection conjointe relative au recueil de preuves sans plainte pour les victimes de violences physiques et sexuelles de 2019, le gouvernement a poursuivi son engagement pour lutter contre les violences par le biais d’une circulaire[1]. Ce texte applicable au 3 décembre 2021 permet le déploiement des dispositifs d’accueil et d’accompagnement des victimes de violences conjugales, intrafamiliales et/ou sexuelles au sein des établissements de santé. Il s’inscrit ainsi en complément du vade-mecum « Secret médical et violences au sein du couple » élaboré en partenariat avec la Haute autorité de santé et le conseil national de l’Ordre des médecins publié en octobre 2020[2].

Cet accueil met en place un continuum de prise en charge, complet et pluridisciplinaire, aussi bien, médical, psychologique, médico-légal, social que juridique afin de favoriser le dépôt de plainte des victimes et à défaut, de préserver leurs droits en vue d’une révélation ultérieure des faits et d’une éventuelle exploitation judiciaire.

Il instaure une collaboration et une coordination institutionnelle de l’ensemble des acteurs qui concourent à la lutte contre les violences conjugales, intrafamiliales et/ou sexuelles par le biais des autorités judiciaires, des établissements de santé, des forces de sécurité intérieure, des services de l’État, et du secteur associatif.

Chaque partie signataire désigne des référents et des suppléants ayant pour mission, en qualité de relais institutionnels pour les acteurs intervenants, d’assurer la coordination entre les différents partenaires signataires. De plus, chaque signataire assume financièrement par ses propres moyens, les engagements qu’il prend dans le présent protocole. Le dispositif est conclu pour une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction.

La victime majeure est au centre de ce protocole se déclinant, tout au long de sa prise en charge, selon ses besoins.

Le dépôt de plainte

Si elle souhaite déposer plainte, le protocole décline trois possibilités de prise en charge, dont la dernière est facultative :

  • Le dépôt de plainte simplifié afin de permettre à la victime de remplir un formulaire de dépôt de plainte au sein de l’établissement de santé, lequel est transmis aux services d’enquête aux fins d’audition ultérieure ;
  • La prise de rendez-vous par l’établissement de santé avec les services enquêteurs afin de procéder à l’audition dans les meilleurs délais de la victime, et d’éviter toute rupture dans son accompagnement ;
  • Le dépôt de plainte in situ, y compris hors le cas d’urgence lié à l’état de santé de la victime.

Le signalement par le professionnel de santé

Si la victime ne souhaite pas déposer plainte, le protocole précise les cas et les modalités de signalement des faits par le professionnel de santé à l’autorité judiciaire et à défaut, la possibilité d’un recueil de preuves sans plainte afin de préserver ses droits en vue d’une éventuelle exploitation judiciaire ultérieure.

Sur le fondement des dispositions des articles 226-14 du code pénal, 40 du code de procédure pénale, R.4127-44 et R.4312-18 du code de la santé publique, un signalement au parquet est effectué par le professionnel de santé dans les cas suivants :

  • Les sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à une personne vulnérable ou qu’il a constaté sur le plan physique ou psychique et qui lui permettent de présumer que des violences de toute nature ont été commises au préjudice d’une personne vulnérable ;
  • Avec l’accord de la victime majeure, les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, lui permettant de présumer que des violences de toute nature ont été commises ;
  • Lorsqu’il estime en conscience que les violences exercées au sein du couple mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences. Le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure ; à défaut, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République.

En cas d’accord de la victime, il est mis à sa disposition la fiche de signalement, qu’elle remplit avec l’aide de structures compétentes.

Dans les cas prévus par la loi indépendamment de l’accord de la victime, le professionnel de santé remplit la fiche de signalement. Elle est transmise sans délai aux autorités judiciaires.

Le recueil des preuves sans plainte

Lorsque la victime, qui se présente spontanément dans les services d’un établissement de santé, refuse de déposer plainte et qu’aucun signalement ne peut être effectué, l’établissement de santé s’engage à lui proposer une démarche conservatoire en amont de toute procédure judiciaire, permettant à la victime de bénéficier d’un temps de réflexion et d’éviter la déperdition des preuves.

Le médecin hospitalier effectue, avec l’accord de la victime, les actes conservatoires suivants:

  • Les actes ne supposant pas, a priori, de qualification en médecine légale particulière: Il établit un certificat médical descriptif attestant de l’état physique et psychologique de la victime et prend, le cas échéant, des photographies des lésions constatées ;
  • Les actes supposant, a priori, une qualification en médecine légale :
    • En cas d’infraction sexuelle, il établit le certificat à l’issue d’un examen médical spécifique, éventuellement assorti de photographies ;
    • En cas d’infraction nécessitant des prélèvements, principalement en matière sexuelle, et en fonction d’une appréciation médicale des faits allégués, il procède à des prélèvements, en particulier biologiques.

Un document écrit est rempli par la victime, permettant de garder la trace de son consentement pour ces actes. De plus, l’établissement de santé met en place par ses propres moyens la réalisation et la conservation des documents et prélèvements effectués. La durée maximale de conservation des prélèvements biologiques est fixée à trois années et la victime est avisée de cette durée par un document d’information. Au-delà de ce délai, il est procédé à la destruction des prélèvements.


[1] Circulaire relative au déploiement des dispositifs d’accueil et d’accompagnement des victimes de violences conjugales, intrafamiliales et/ou sexuelles au sein des établissements de santé, 25 novembre 2021, n° CRIM-BPJ N° 2021/0139/H8

[2] Vade-mecum de la réforme de l’article 226-14 du code pénal, Secret médical et violences au sein du couple, en partenariat avec la haute autorité de santé et le conseil national de l’Ordre des médecins, octobre 2020