BILLET D’HUMEUR – Les médecines alternatives et complémentaires et les pratiques de soins non conventionnelles sous le feu des critiques

Catégorie : Droits des patients, exercice professionnel, responsabilité
Date : 10/09/2018

Par Aude CHARBONNEL, consultante du centre de droit JuriSanté du CNEH

Après l’annonce de la faculté de médecine de Lille, le 31 août, de la suspension de son diplôme d’université (DU) d’homéopathie pour l’année 2018-2019, dans l’attente de la position de la Haute autorité de santé (attendue pour février 2019) et d’échanges nationaux sur l’encadrement de cette pratique et de son enseignement, la faculté de santé d’Angers a, à son tour, supprimé son DU d’homéopathie. Cette annonce faite le 6 septembre nous incite à faire un point juridique sur les médecines alternatives et complémentaires et les pratiques de soins non conventionnelles.

Pour rappel, ces décisions font suite à une tribune signée au printemps dernier par un collectif de 124 médecins appelant à ne plus tolérer ni rembourser les pratiques de médecine dites « alternatives » non basées sur des preuves scientifiques, citant l’homéopathie, la mésothérapie ou l’acupuncture. Puis il y a eu en juin une mise au point du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) sur le cadre déontologique des médecines alternatives et complémentaires[1]. L’ordre a tenu à rappeler « que la prise en charge médicale d’un patient doit être conforme aux exigences de qualité et de sécurité des soins, voire de leur urgence. Le traitement préconisé par un médecin ne peut, en aucun cas, être alternatif aux données acquises de la science et à l’état de l’art, mais il peut comporter une prescription adjuvante ou complémentaire, médicamenteuse ou autre, que le médecin apprécie en conscience dans chaque situation, après avoir délivré au patient une information loyale, claire et appropriée ». Il conclut en soulignant que le code de la santé publique interdit « de présenter comme salutaires et sans danger des prises en charge ou des thérapeutiques non éprouvées ».

De plus en plus d’établissements de santé intègrent les médecines alternatives et complémentaires et les pratiques de soins non conventionnelles dans leur arsenal thérapeutique. Selon le CNOM, 1 médecin sur 5 déclarant un titre ou une mention de médecine alternative et complémentaire exerce à l’hôpital[2].

Il est nécessaire de poser quelques repères avant de formuler des conseils.

Seules quatre médecines alternatives et complémentaires peuvent faire l’objet de titres et mentions autorisés sur les plaques et ordonnances par le CNOM[3] :

  • L’homéopathie,
  • L’acupuncture,
  • La mésothérapie,
  • La médecine manuelle ostéopathie.

Mais l’Organisation Mondiale de la Santé a recensé plus de 400 pratiques de soins non conventionnelles (par exemples : l’hypnose en complément d’une anesthésie plus légère ou à la place d’une péridurale, la méditation pour lutter contre l’anxiété et la dépression ou pour soulager les patients en oncologie, la médecine traditionnelle chinoise dans la réduction des troubles musculo-squelettiques…).

Il n’existe toutefois pas de définition officielle ; les médecines alternatives et complémentaires et les pratiques de soins non conventionnelles se définissent par la négative par rapport à la médecine conventionnelle. Les techniques et procédés sont nombreux et diversifiés.

Les études montrent que les médecins alternatives et complémentaires et les pratiques de soins non conventionnelles sont en plein essor : 4 français sur 10 y auraient recours dont 60% parmi les malades du cancer. Ces bénéficiaires mettent en avant leur souhait d’améliorer leur santé, d’optimiser les soins, de diminuer leur douleur ou le risque de récidive. Si les médecines alternatives et complémentaires et les pratiques de soins non conventionnelles peuvent accompagner un traitement, elles ne doivent en aucun cas s’y substituer.

Sans remettre en question les aspects bénéfiques de certaines pratiques, il existe des risques lors du recours à ces pratiques: des retards de prise en charge et de perte de chance, des interactions, des effets indésirables, un risque financier et, enfin, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires[4] dénonce un risque lié aux dérives sectaires avec des psychothérapeutes autoproclamés qui n’ont suivi aucune formation et ne sont inscrits sur aucun registre.

On ne peut donc qu’appeler à la vigilance concernant les médecines alternatives et complémentaires et à l’encadrement des pratiques de soins non conventionnelles au sein des établissements de santé par une convention ou un projet de service validé et évalué. C’est un indispensable moyen de sécurisation juridique. Par ailleurs, les hospitaliers doivent toujours s’assurer que ces pratiques s’accordent avec les droits des patients (dignité, information, consentement…). Enfin, il est important de rester attentif face au risque de dérives sectaires, notamment chez les personnes vulnérables !

Et de tirer les enseignements de la future prise de position de la Haute autorité de santé sur l’homéopathie, médecine alternative et complémentaire sur laquelle s’est récemment focalisé le débat…

[1] https://www.conseil-national.medecin.fr/node/2836

[2] https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cn_webzine/2015-07/www/index.php#/page-2

[3] https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cn_webzine/2015-07/www/index.php#/page-2

[4] http://www.derives-sectes.gouv.fr/