Note de jurisprudence – L’intérêt général, un motif même implicite de résiliation anticipée d’une convention de coopération hospitalière.

Catégorie : Droit hospitalier et coopération sanitaire
Date : 23/01/2023

Kelly VANG, Juriste, consultante du centre de droit JuriSanté

CAA de Nancy, 8 novembre 2022, M.C…, n°19NC02518

Les relations entre la ville et l’hôpital dans le domaine de la santé sont de plus en plus privilégiées et de nombreuses réformes sont venues simplifier ces coopérations. L’une des formes les plus utilisées reste la convention de co-utilisation d’un équipement public, conclue entre un praticien libéral et un hôpital.

Cette coopération conventionnelle, comme son nom l’indique, reste un contrat de droit public alors soumis aux règles générales applicables aux contrats administratifs.

C’est par ailleurs ce que rappellent les juges de la Cour Administrative d’Appel (CAA) de Nancy dans un arrêt rendu le 8 novembre 2022.

En l’espèce, était en cause une résiliation anticipée d’une convention de coopération entre un médecin libéral et le CHIC Unisanté+ des hôpitaux de Forbach et de Saint-Avold, pour des motifs d’intérêt général. En première instance, comme en appel, les requêtes tendant au versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation fautive de la convention ont été rejetées.

En effet, les juges de la CAA ont rappelé le principe selon lequel « sans qu’aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu’une stipulation contractuelle ne le prévoit, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique peut toujours, pour un motif d’intérêt général, résilier un contrat administratif, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant ».

Ainsi, le motif d’intérêt général, qui était en l’espèce justifié par des raisons budgétaires, permet la résiliation anticipée d’une convention de coopération, qu’elle soit prévue expressément ou non. De la même manière, l’indemnisation du cocontractant n’est pas exclue, que les modalités aient été stipulées dans la convention ou non.

En second lieu, les juges sont venus rappeler des principes fondamentaux tenant à la réparation des préjudices dont le praticien se prévaut. Pour cela, il est nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité. Dans cette affaire, les éléments fournis par le requérant n’ont pas été suffisants. Le principe de l’indemnisation demeure mais pas à n’importe quel prix !

La CAA de Nancy rejette donc la requête du praticien libéral et suit l’avis du tribunal administratif de Strasbourg.

Cet arrêt n’est pas sans incidence pour les gestionnaires hospitaliers car, outre le rappel des principes fondamentaux s’appliquant aux contrats publics, il appelle aussi à la vigilance sur les résiliations anticipées de ces types de conventions ; notamment sur les risques juridiques à prévoir en termes d’indemnisation.

En conclusion, les conventions de coopération restent soumises aux principes généraux applicables aux contrats administratifs. Le motif d’intérêt général permettra donc toujours de les résilier de manière anticipée, qu’il soit expressément prévu ou non. Toutefois, il reste préférable de réduire le risque juridique et de prévoir des modalités d’indemnisation !

Astuce JuriSanté :

Lorsqu’il existe un risque financier important lié à une sortie anticipée d’un partenaire d’un partenariat conventionnel, plusieurs mécanismes peuvent être envisagés, sous certaines conditions :

  • Allongement de la durée de préavis dans la clause de sortie
  • Mécanisme d’indemnisation contractuellement prévu.

A réfléchir dans la rédaction de vos conventions de coopération !