Article – Le recours occasionnel aux agents vacataires dans la FPH, quel cadre pour cette pratique ?

Catégorie : Statuts des personnels hospitaliers
Date : 19/07/2021

Céline Berthier, juriste, consultante, au Centre de droit JuriSanté du CNEH

Article paru dans la revue Gestions hospitalières, n°607 – juillet 2021

Qu’est-ce qu’un vacataire à l’hôpital public ? Le statut de la fonction publique distingue la gestion des agents titulaires de celle des agents non titulaires, ces derniers étant liés par contrat à l’établissement. La situation se complexifie s’agissant des agents non titulaires, pour lesquels il faut encore distinguer le statut de l’agent contractuel sur un besoin permanent ou non permanent. Et les vacataires dans tout ça ?

Le constat d’une pratique

Pour rappel, le titre IV du statut de la fonction publique[1] encadre strictement les modalités de recrutement des agents publics en définissant les règles suivantes:

» le recours, par principe, aux agents fonctionnaires, par concours ou mutation avec le bénéfice d’un statut très protecteur, pour des postes permanents ;

» le recours, à titre exceptionnel, aux agents contractuels, par contrat à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI), pour des besoins permanents ou non, selon des motifs divers mais précis tendant à la nature du besoin (besoin particulier, remplacement, attente d’un recrutement statutaire, emploi temporaire, besoin saisonnier…) tels que définis par l’article 9 de la loi de 1986 et pour lesquels les agents bénéficient d’un statut protecteur édicté par le décret 91-155 du 6 février 1991 pour les contractuels de la fonction publique hospitalière (FPH). En dehors de ces deux situations, la pratique amène parfois les établissements hospitaliers et médico-sociaux publics autonomes, relevant donc de la FPH, à recruter de façon ponctuelle des agents pour des missions déterminées et ponctuelles. Les contrats peuvent être très courts (« à la tâche »), ou sur des périodes plus longues, mais avec une sollicitation très occasionnelle, de quelques heures ou quelques jours au plus. Il s’agit alors de répondre à des besoins de remplacement ou à un surcroît très temporaire d’activité, presque «au pied levé». Tous les établissements ne procèdent pas à ces recrutements dans les mêmes proportions, mais la pratique peut être très ancrée dans certaines structures, au point que les gestionnaires des ressources humaines l’érigent quasiment en un cadre de recrutement et de gestion spécifique.

On peut d’ailleurs en comprendre l’enjeu: le besoin est ponctuel, bref, il ne justifierait donc pas, selon certains, la protection que peut offrir le décret de 1991 pour les contractuels en CDI ou CDD: pas de droit à congés, pas d’accès à la formation, pas de droit à la protection sociale… Les établissements qui emploient des agents dans ces conditions ne les soumettent ainsi pas aux dispositions protectrices du décret de 1991. D’où vient cette notion de « vacataire» évoquée par de nombreux établissements de la FPH?

Inexistante dans la sphère du droit privé, la notion d’agent vacataire est à l’origine celle d’agents recrutés dans la fonction publique territoriale (FPT) pour des missions déterminées, ponctuelles et courtes bien différentes de celles des agents titulaires ou contractuels. Au sein de la FPT, la situation des agents vacataires est définie réglementairement par le décret 2015-1912 du 29 décembre 2015[2] introduisant cette notion dans le décret du 15 février 1988[3] relatif aux agents contractuels de la FPT.

L’article 1er de ce décret dispose en effet que «les dispositions du présent décret ne sont […] pas applicables aux agents engagés pour une tâche précise, ponctuelle et limitée à l’exécution d’actes déterminés ».

Ainsi, les employeurs territoriaux trouvent ici un fondement à recruter des agents «vacataires » selon ces critères précis, le texte induisant alors que ces agents ne sont pas des agents contractuels de droit public en les excluant de la couverture du statut prévu par le décret du 15 février 1988 (équivalent au décret de 1991 dans la FPH).

Les trois critères énoncés par ce texte reprennent ceux de la jurisprudence administrative s’agissant des agents vacataires considérés comme des collaborateurs occasionnels du service public :

» une tâche ou mission précise, déterminée et spécifique;
» un besoin ponctuel, c’est-à-dire une absence de continuité dans le temps de cette mission, par opposition au besoin permanent auquel répond l’agent contractuel de droit public, sans préjudice de la multiplication de contrats sous ce motif;
» la rémunération ou rétribution attachée à la tâche précise réalisée, rémunération qui ne constitue pas un salaire et exclut la notion de régime indemnitaire.

Ces trois critères sont cumulatifs ; si l’un d’eux fait défaut à la situation exposée, le juge administratif requalifie l’agent vacataire en agent contractuel de droit public dont la situation et la protection statutaires sont bien plus étoffées.

En effet, la situation de l’agent vacataire est par nature précaire et révocable: il n’est pas considéré comme un agent contractuel de droit public, ce qui signifie qu’il ne bénéficie pas des dispositions du décret relatif aux contractuels, ni même des dispositions générales du statut de la fonction publique. Ses droits sont ainsi très limités: il ne bénéficie pas de congés quels qu’ils soient, ni de droit à la formation ou de complément de rémunération (pas de supplément familial de traitement, ni d’indemnité de résidence ni tout autre régime indemnitaire) et encore moins d’évolution de carrière.

Cette situation peu protectrice suscite naturellement de nombreux litiges et le juge administratif est régulièrement amené à délimiter précisément, dans la fonction publique territoriale, ce statut peu favorable et à requalifier le contrat des agents afin de les doter d’un statut plus protecteur.

Si la situation de l’agent vacataire semble trouver un fondement réglementaire et une délimitation jurisprudentielle dans la FPT, il n’en est pas de même dans la FPH, qui ne dispose d’aucune disposition légale ou réglementaire reconnaissant le recours à des prestations à la tâche, qui ne relèveraient pas du statut protecteur de 1991 relatif aux contractuels. Le recrutement ou la situation des agents vacataires ne sont en effet pas prévus ni même définis par aucun texte s’agissant de la FPH, et la jurisprudence dans ce domaine ne semble globalement concerner que des agents territoriaux.

À l’hôpital, le statut de l’agent vacataire n’en est donc pas un au plan du droit. Alors même que la pratique amène à constater le recours fréquent à ce genre de contrat par les établissements publics de santé pour des recrutements d’agents sur la base de quelques heures par mois, il n’est fondé sur aucun texte.

Des précautions… et des perspectives

Pas de texte pour justifier le recours aux vacataires à l’hôpital, et donc pas de fondement juridique à cette pratique, très défavorable à l’agent. Quel est le risque juridique? À notre connaissance, si les tribunaux administratifs évoquent régulièrement le terme «vacataire» dans la FPH c’est-à-titre incident dans les litiges, et sans se positionner sur la portée juridique de cette notion. À défaut de saisine du juge administratif sur la qualification d’un contrat de vacataire dans la FPH, on ne peut que poser des conjectures sur une éventuelle requalification du contrat, sans certitude.

Mais le pragmatisme du juge peut être perturbant. Saisi par une sage- femme demandant la requalification de son statut après plusieurs années de fonctions exercées à l’AP-HP, le Conseil d’État l’a reconnue comme étant non une vacataire mais un agent contractuel de droit public. À ce titre, elle doit bénéficier de l’ensemble des dispositions du décret du 6 février 1991 relatif au statut des agents contractuels des établissements publics hospitaliers : «En jugeant que, nonobstant le fait qu’elle ait été rémunérée par des vacations mensuelles et qu’elle ne disposait d’aucun contrat écrit et alors même que l’emploi de sage-femme qu’elle occupait ne pouvait être exercé, en raison de ses caractéristiques, que par un agent titulaire, elle devait être regardée comme ayant eu la qualité d’agent contractuel de droit public et non de vacataire […]» (CE, 28 nov. 2003, n° 236510). Sous-entendu: tout agent recruté par un établissement de la FPH sur un contrat de vacataire ne saurait prétendre à la protection du décret de 1991? Une jurisprudence plus récente semble admettre elle aussi la notion de vacataire (cour administrative d’appel, Versailles, 7e chambre, 4 octobre 2018 – n°17VE01394).

On reste un peu sur sa faim. La pratique n’a pas de base légale, mais elle continue d’être utilisée. Le contrat de vacataire peut être requalifié, mais le juge soumet cette requalification à conditions.

Et pour la suite ?

Ces situations devraient se raréfier avec l’élargissement du recours aux agents contractuels prévu par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019[4]. Celle-ci introduit, aux côtés des contrats d’accroissement temporaire d’activité, des contrats d’accroissement saisonnier d’activité[5], qui permettent aux établissements de recruter des agents pour de courtes durées (au maximum de 12 ou 6 mois selon le motif précis de recrutement) pour faire face à une hausse d’activité, tout en dotant ces agents du statut d’agents contractuels de droit public soumis au statut du décret de 1991.

Ces motifs de recrutement, additionnés à ceux plus classiques de l’article 9 de la loi de 1986 tels que le remplacement d’agent absent ou le besoin à temps non complet, semblent répondre aux besoins ponctuels des employeurs hospitaliers et ainsi couvrir la quasi-intégralité des besoins des établissements de santé en matière d’agents contractuels. La loi d’août 2019 ambitionnait initialement de doter les agents contractuels d’un statut équivalent à celui des agents titulaires. Ce but n’a pas été atteint mais l’introduction du contrat saisonnier ou encore du contrat de projet permet de répondre aux besoins ponctuels tout en garantissant aux agents concernés le bénéfice du statut d’agent contractuel tel que couvert par le décret de 1991.

Cette couverture juridique restreint ainsi de plus en plus le recours aux agents vacataires, qui ne devrait désormais concerner qu’une part infime de situations très occasionnelles… Serait-ce la fin annoncée de la notion d’agent vacataire au sein de la fonction publique hospitalière ?


[1] Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

[2] Décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale.

[3] Décret n°88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale.

[4] Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

[5] Art. 9-I-3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986.