Article – D’agent contractuel à agent stagiaire… Quels changements ?

Catégorie : Statuts des personnels hospitaliers
Date : 10/10/2022

Céline Berthier, consultante au centre de droit JuriSanté du CNEH

Article paru dans la revue Gestions Hospitalières, n° 618 – août/septembre 2022

La question du changement de statut est récurrente pour les agents contractuels de la fonction publique hospitalière placés en stage en vue d’une titularisation : qu’adviendra-t-il de ma situation si je passe agent stagiaire ? Vais-je conserver mes droits, notamment mon niveau de rémunération ? Le nouveau code général de la fonction publique et la récente modification du décret de 1991 sur les agents contractuels [1] tendent à rapprocher le statut des agents fonctionnaires et contractuels. Ainsi, en termes de vocabulaire, un agent contractuel est cité comme tel et non plus comme un agent non titulaire. D’autres outils plus concrets viennent oeuvrer à ce rapprochement, tels le droit à portabilité du contrat à durée indéterminée (CDI) [2], l’extension du congé pour élever un enfant jusqu’à l’âge de 12 ans [3], à l’instar de la disponibilité des agents titulaires, ou encore l’harmonisation des compétences des commissions consultatives paritaires (CCP) calées sur celles des commissions administratives paritaires (CAP) [4]. La question de la rémunération et de son harmonisation est plus complexe car elle repose sur deux principes distincts statutairement. Les échelles de rémunération et des grilles indiciaires sont identiques pour tous les agents titulaires relevant des mêmes corps et grades alors que la négociation, certes guidée par rapport à la situation des agents titulaires, est de mise pour la rémunération des agents contractuels. Qu’en est-il lorsque l’agent passe d’un statut à l’autre ? Sa rémunération négociée doit-elle s’aligner sur les échelles de rémunération prévues par son nouveau statut ?

La reprise d’ancienneté à la nomination

La rémunération des agents fonctionnaires (titulaires et stagiaires) est fixée statutairement selon des échelles de rémunération uniques selon le corps et le grade des agents et qui déterminent selon l’échelon (évoluant en fonction de l’ancienneté) l’indice de rémunération. Le principe est alors le suivant : l’agent nommé stagiaire est classé au premier échelon du premier grade.

Ce principe connaît de nombreuses exceptions et en dehors des agents « primo-stagiaires » qui n’auraient pas d’autre expérience professionnelle, il trouve finalement peu d’applications.

En effet, l’une des exceptions notables est celle de la « reprise d’ancienneté à la nomination », dont les règles de calcul ont été prévues par les différents textes relatifs à l’organisation des carrières par catégorie. Il s’agit de valoriser les années d’expérience de l’agent lors de sa nomination en qualité d’agent stagiaire afin de lui permettre de les valoriser en échelons, et ainsi de ne pas démarrer sa carrière d’agent fonctionnaire tout en bas de l’échelle (indiciaire).

Le mécanisme de reprise de ces années est très cadré et répond à des règles mathématiques selon l’expérience antérieure publique ou privée de l’agent, sa catégorie d’intégration en lien avec les fonctions exercées précédemment et le nombre d’années justifiées. Seules les années de salariat comptent.

Par exemple, un ingénieur (catégorie A) qui serait nommé stagiaire et qui justifierait d’années d’expérience (certificats de travail à l’appui) pourrait faire valoir ces dernières à hauteur de 6/16e à 50 % si ces années ont été réalisées en tant qu’agent public (notion comprise au sens large, incluant également les années exercées en qualité d’agent privé au sein du service public) selon le nombre d’années réalisées et la catégorie dans laquelle elles auraient été réalisées.

Ces années seraient valorisées à hauteur de 50 %, plafonnées à 7 ans, si l’agent était intégré en catégorie B et seraient fonction des missions exercées alors qu’elles ne seraient pas limitées si l’agent était intégré en catégorie C.

Depuis la modification du décret de 1991 par le décret de mai 2022 [5], les services effectués en temps partiel sont assimilés à un exercice à temps plein.

Il est à noter que les agents relevant de ce tableau ne peuvent cumuler les années du secteur public et celles du secteur privé ; un choix doit être fait entre la valorisation d’un secteur ou de l’autre.

La situation de certains agents comme les agents paramédicaux ou autres (infirmier, aide-soignant, kinésithérapeute, psychologue…) est différente puisqu’elle répond à la règle des services dits « similaires », qui valorise de façon identique les années réalisées dans le secteur public ou privé dès l’instant où elles ont été exercées sur les mêmes fonctions/métiers, le point de départ étant le diplôme.

À l’inverse des agents administratifs ou techniques qui relèvent du tableau précédent, les agents bénéficiant de la règle des services similaires peuvent cumuler les années exercées dans le secteur public et dans le secteur privé dès l’instant où ces années ont bien été réalisées sur des missions correspondant au métier d’intégration.

Il s’agit finalement d’opérer une sorte de reconstitution fictive de carrière consistant à valoriser chaque année effectivement réalisée sur le métier d’intégration comme si elle avait été réalisée au sein de l’établissement. Ici encore, les règles de calcul sont très cadrées et obéissent à des règles et tableaux de correspondance spécifique selon les corps et grades d’intégration.

Au terme de ces calculs, l’agent aura « gagné » un certain nombre d’années qui seront traduites en années d’ancienneté et intégrées à la grille d’avancement d’échelon. Ainsi, au lieu de démarrer sa carrière d’agent fonctionnaire au premier échelon, il pourra démarrer à un échelon plus élevé auquel correspond un indice de rémunération plus important.

Mais qu’en est-il si, malgré ces calculs parfois fastidieux, l’échelon et l’indice correspondant obtenus s’avèrent en deçà de la précédente rémunération que l’agent percevait au titre de son contrat de travail négocié auprès du même établissement employeur ?

Le passage entre un statut issu d’une négociation à celui de fonctionnaire implique-t-il une éventuelle baisse de rémunération ? Cette question concerne beaucoup de situations, les agents contractuels représentant une part importante des recrutements hospitaliers et la situation de certains métiers dits « en tension » aboutissant à des négociations de rémunération parfois conséquentes.

La première réponse apportée par les différents décrets statutaires et par la jurisprudence du Conseil d’État [6] est celle du maintien du niveau de rémunération entre le précédent contrat de travail et la nouvelle rémunération indiciaire au sein d’un même établissement. L’agent stagiairisé au sein de l’établissement dans lequel il exerçait en qualité d’agent contractuel conserve ainsi son droit à rémunération selon sa précédente négociation.

Ici encore, ce niveau de maintien obéit à des règles spécifiques variant selon le corps et l’ancienneté de l’agent.

Il s’agit ici de plus d’un droit centré sur la seule rémunération et qui n’aura pas d’incidence sur l’échelon d’intégration de l’agent, ce qui aboutit ainsi à une sorte de déconnexion entre sa rémunération et son échelon, et qui n’est pas sans conséquence sur sa carrière…

S’agissant des agents de catégorie A et des professions paramédicales, sous réserve de justifier de 6 mois de services effectifs dans cet emploi (soit auprès du même employeur) dans les 12 mois précédant la nomination en qualité de stagiaire, ils conservent à titre personnel le bénéfice de leurs traitements antérieurs en intégralité jusqu’au jour où ils bénéficieront dans leur grade d’intégration d’un traitement au moins égal. Ce traitement maintenu ne peut cependant excéder celui afférent au dernier échelon du premier grade du corps d’intégration.

Le traitement maintenu ici s’entend comme le traitement indiciaire strict et non au sens de la rémunération globale comprenant primes, indemnités et avantages sociaux [7].

La règle est la même pour les agents de catégorie B à une exception près, et pas des moindres : leur précédent niveau de rémunération est maintenu à hauteur de 80 % et non en intégralité [8].

Les agents de catégorie C bénéficient des mêmes règles de maintien à hauteur de 100% ; le niveau de rémunération maintenu pour ces agents correspond à la moyenne des six meilleures rémunérations perçues en cette qualité pendant les douze mois avant leur nomination. Cette rémunération ne prend en compte aucun élément accessoire lié à la situation familiale, au lieu de travail et aux frais de transport [9].

Il s’agit de maintenir uniquement le niveau de rémunération et non d’attribuer à l’agent l’échelon correspondant à ce niveau ou indice de rémunération. Il va falloir alors opérer une sorte de déconnexion entre la situation administrative de l’agent et sa rémunération. L’agent sera bien rémunéré selon la situation qui lui sera la plus favorable et, le cas échéant, selon le niveau antérieur (via une indemnité compensatoire ou un indice forcé selon les cas) alors que son échelon sera bien celui calculé selon les règles de reprise d’ancienneté à la nomination. Charge pour l’administration de bien suivre cette situation…

Un droit au maintien de la rémunération mais…

Certes, la rémunération négociée et détenue auparavant par l’agent est maintenue et il démarre sa nouvelle carrière d’agent fonctionnaire sur cette base. Cependant, sa carrière évoluera sur la base de l’échelon calculé, l’agent avancera d’échelon en fonction de la durée d’avancement fixé par les statuts.

À chaque avancement d’échelon correspond un nouvel indice de rémunération, il appartiendra alors à l’administration de comparer ce nouvel indice avec le niveau de rémunération maintenu. Si ce nouvel indice est plus favorable, l’agent sera rémunéré sur cette nouvelle base et le sera ensuite selon les règles statutaires classiques.

Si cet indice est toujours inférieur au précédent niveau de rémunération, celui-ci sera de nouveau maintenu et cet avancement d’échelon, bien que notifié à l’agent, sera sans incidence sur sa situation. Il en sera ainsi jusqu’au rattrapage ou à la compensation entre l’échelon, l’indice de rémunération et le niveau de rémunération négocié. Cette situation peut perdurer quelques années, durant lesquelles certes le niveau de rémunération est maintenu mais sans connaître d’évolution et donc d’augmentation. On parle alors « de gel de rémunération » pour les agents concernés, qui devront attendre d’atteindre un échelon leur accordant un indice de rémunération supérieur à celui négocié précédemment pour voir une augmentation effective de rémunération.

Cette situation, si elle n’est pas illégale, suppose d’être anticipée et connue de l’agent au moment de sa mise en stage, voire dès son inscription au concours. C’est finalement un choix personnel et de carrière qu’il lui appartient de faire en toute connaissance de cause, la question du statut devant être appréciée dans sa globalité, notamment au regard des autres particularités que le statut d’agent fonctionnaire comporte, tels la protection sociale, le droit à la mobilité, le régime indemnitaire, dont la prime de service ou de technicité…

Et la suite ?

Au-delà de la rémunération, le changement de statut d’agent contractuel à agent fonctionnaire revient à s’interroger sur la grande question de la place de l’agent contractuel dans la fonction publique. Les contractuels sont toujours inscrits comme une exception au recrutement des agents fonctionnaires au titre de l’ancienne loi statutaire de 1986 désormais intégrée au code général de la fonction publique [10], mais il est régulièrement question de transformer cette exception en règle première de recrutement et ainsi de faire de l’organisation des concours et de l’attribution du statut de fonctionnaire une exception.

Signe sans doute de l’évolution de la société, le statut des agents contractuels est bien plus qu’une exception et se voit doter de droits et obligations régulièrement étoffés afin de les harmoniser par rapport à ceux des agents titulaires. Nul doute que la prochaine loi de transformation de la fonction publique marquera une nouvelle avancée pour ce statut. Affaire à suivre !


[1] Décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables agents contractuels de la fonction publique hospitalière modifié par le décret n°2022-820 du 16 mai 2022 modifiant les dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière.

[2] Article 71 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

[3] Article 19 du décret n°2022-820 du 16 mai 2022 modifiant les dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière.

[4] Article 5 du décret n°2022-820 du 16 mai 2022 modifiant les dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière.

[5] Article 22 du décret n° 2022-820 du 1 mai 2022.

[6] Arrêt n°342831 du Conseil d’État du 14 octobre 2011.

[7] Circulaire Dhos/P3 2007-350 du 20 septembre 2007.

[8] Arrêté du 13 novembre 2012 pour l’application du décret 2011-661 du 14 juin 2011.

[9] Article 6 du décret n°2016-636 du 19 mai 2016.

[10] Articles L. 332-15 et 16 du code général de la fonction publique.