Soins médicaux et de réadaptation – Ce qu’il faut retenir des nouvelles conditions techniques et d’implantation

Catégorie : Organisation sanitaire et médico-sociale
Date : 09/05/2022

Brigitte de Lard-Huchet, Directrice du Centre de droit JuriSanté, CNEH

Article paru dans la revue Gestions Hospitalières, n° 615 – avril 2022

L’année 2023 marquera la remise à plat de l’ensemble des autorisations détenues sur les vingt activités de soins reconnues par le code de la santé publique (CSP), la réforme en ayant intégré deux nouvelles : la médecine nucléaire et l’hospitalisation à domicile (HAD) [1]. Après plusieurs années d’attente, les textes réformant les conditions techniques et d’implantation des activités de soins autorisées sortent au compte-goutte. À ce jour, nous disposons déjà des normes applicables à l’hospitalisation à domicile, la médecine nucléaire, la neuroradiologie interventionnelle et la cardiologie interventionnelle.

Certains de ces textes pourraient être restructurants, en durcissant les conditions techniques et d’implantation auxquelles doivent se conformer les établissements qui souhaitent déployer ces activités. Chaque établissement est appelé à suivre de près la parution des textes, et à ne pas attendre la refonte du schéma régional de santé (SRS) pour évaluer les impacts des changements réglementaires sur ses activités et ses organisations de soins [2].

De nouvelles dispositions impacteront plus spécifiquement l’activité de soins de suite et de réadaptation (SSR). Elles sont posées par les décrets 2022-24 et 2022-25 du janvier 2022 [3], et codifiées aux articles R. 6123-118 et suivants [4], D.6124-177-1 et suivants [5] du CSP. Ce secteur d’activité se situe, selon le ministère de la Santé, à une étape charnière : « Il a besoin de se moderniser, d’investir, d’innover, de professionnaliser ses filières, d’être plus efficient. [6] » Les évolutions réglementaires traduisent cette ambition du nouveau cadre normatif.

Une nouvelle définition

Tout d’abord, ne parlons plus de soins de suite et de réadaptation, mais de « soins médicaux et de réadaptation » (SMR). Il existe 1 700 structures de SSR sur le territoire national, dont une centaine destinée aux enfants et adolescents (chiffres DGOS).

Mais une définition générique reste donnée pour l’activité sous toutes ses composantes : « L’activité de soins médicaux et de réadaptation a pour objet de prévenir ou de réduire les conséquences fonctionnelles, déficiences et limitations d’activité, soit dans le cadre de la prise en charge de patients atteints de pathologies chroniques, soit en amont ou dans les suites d’épisodes de soins aigus, que ces conséquences soient physiques, cognitives, psychologiques ou sociales [7] ».

On retiendra surtout que l’activité intègre beaucoup plus explicitement la dimension diagnostique de la prise en charge : « Les actes à visée diagnostique […] comprennent notamment les bilans fonctionnels préalables à la mise en oeuvre du projet thérapeutique, l’exploration des complications et les évaluations en cours et à la fin de la mise en oeuvre du projet thérapeutique. [8] »

Les mentions spécialisées des SMR

L’activité de SMR, comme celle de SSR avant elle, comporte des mentions spécialisées. Deux changements à noter à cet égard :

  • les soins médicaux et de réadaptation dits « polyvalents » constituent désormais une mention à part entière des SMR. Ils disposent à ce titre, et c’est nouveau, de conditions techniques qui leur sont propres et qui viennent s’ajouter aux conditions communes à toutes les mentions ;
  • les autorisations accordées en pédiatrie et prise en charge du cancer comporteront des mentions spécifiques pour chacune de ces deux modalités :
    • pour la modalité « pédiatrie », la mention « enfants et adolescents » ou « jeunes enfants, enfants et adolescents »,
    • pour la modalité « cancers », la mention « oncologie » ou « oncologie et hématologie ».

À l’exception de la mention « SMR polyvalents », le titulaire de l’autorisation devra développer son rôle d’expertise auprès d’autres titulaires d’autorisation de soins médicaux et de réadaptation.

Les modalités de prise en charge également revues

L’autorisation d’exercer l’activité de soins de suite et de réadaptation selon la seule forme de l’hospitalisation à temps partiel pouvait jusqu’à présent être accordée à un établissement de santé à la condition qu’il organise la prise en charge des patients dont l’état le requerrait dans un établissement de santé autorisé à exercer cette activité en hospitalisation complète, avec lequel il passe convention. Si cette possibilité restera ouverte, le principe désormais sera pour le titulaire de titulaire de l’autorisation de pouvoir organiser un mode de prise en charge à la fois en hospitalisation complète et à temps partiel. La capacité à offrir deux modalités d’accueil plutôt qu’une pourrait jouer dans l’instruction de dossiers concurrents, le ministère insistant sur le développement des alternatives à l’hospitalisation complète en tant qu’enjeu majeur de l’optimisation et de la structuration des parcours de soins.

Des conditions techniques de fonctionnement communes ajustées

Nous ne pourrons entrer dans le détail des conditions techniques de fonctionnement de toutes les mentions spécialisées. S’agissant des conditions techniques communes à l’ensemble des mentions, l’essentiel des normes est maintenu, quoique parfois reformulé. Parmi les exigences nouvelles, on retiendra :

  • l’exigence d’un plan de formation adapté pour l’équipe thérapeutique. Il n’est donc pas seulement exigé que l’équipe paramédicale soit formée spécifiquement à la prise en charge en SMR, mais que le plan de formation de l’établissement intègre en continu l’entretien et le développement des connaissances et compétences adaptées à cet exercice. Pour le montage du dossier d’autorisation, il peut être utile de récupérer les éléments attestant des démarches de formation continue des équipes sur les soins spécifiques à l’activité ;
  • l’introduction parmi les compétences à mobiliser « en tant que de besoin » d’enseignants en activité physique adaptée ;
  • l’obligation pour le titulaire de s’assurer du recueil et de l’analyse de données issues des pratiques professionnelles dans une finalité d’amélioration des pratiques et de gestion des risques. « Depuis 2012, le ministère de la Santé pilote avec la Haute Autorité de santé (HAS) la mise en oeuvre de ce dispositif dans les hôpitaux et les cliniques MCO. Ce programme a vocation à être étendu dès 2018 aux établissements ayant une activité de SSR : dans cette perspective, la HAS élaborera deux types d’indicateurs : des indicateurs de qualité et des indicateurs de spécialité (prises en charge des victimes d’AVC, par exemple) [9] » ;
  • en revanche, toujours pas de ratio de personnel soignant, la mention d’un « effectif adapté au nombre de patients effectivement pris en charge et à la nature et l’intensité des soins que leur état de santé requiert [10] » ayant même disparu des nouveaux textes ! Subsiste en revanche l’exigence de la présence d’au moins un infirmier en permanence sur le site où sont hébergés les patients.

Un engagement quantitatif de soins pour chaque patient

L’exigence n’est pas tout à fait nouvelle, elle existait déjà pour les soins de suite spécialisés dans les affections de l’appareil locomoteur, du système nerveux, des affections respiratoires et celles liées aux conduites addictives.
Mais le principe en est aujourd’hui généralisé à toutes les mentions de SMR [11] : l’établissement doit pouvoir proposer à chaque patient une à deux [12] séquences de traitement par jour ouvré ou par venue, parmi les pratiques thérapeutiques que le titulaire s’est engagé à déployer.

Cette exigence est ainsi nouvelle pour :

  • les SMR polyvalents : l’organisation des soins permet de dispenser à chaque patient, selon son état clinique, chaque jour ouvré dans le cadre d’une hospitalisation complète ou à chaque venue dans le cadre d’une hospitalisation à temps partiel, au moins une séquence de traitement individuelle ou collective (art. R. 6124-177-10 CSP) ;
  • les SMR dits « gériatriques » : l’organisation des soins permet de dispenser à chaque patient, selon son état clinique, chaque jour ouvré dans le cadre d’une hospitalisation complète ou à chaque venue dans le cadre d’une hospitalisation à temps partiel, au moins deux séquences de traitement, individuelles ou collectives (art. R. 6124-177-16 CSP).

Les établissements devront s’assurer qu’ils sont bien en mesure de fournir ce volume de prestations de soins pour chaque patient, tout au long de son séjour ou de sa prise en charge. Ce qui suppose notamment de disposer de manière continue de la ressource paramédicale disponible selon l’organisation soignante retenue. Si l’établissement n’est à ce jour pas conforme à ces dispositions, il veillera dans son dossier d’autorisation à expliciter les mesures qu’il compte mettre en place pour répondre à ces nouvelles exigences, dont le non-respect pourrait fonder une suspension de l’autorisation.

Des conditions spécifiques aux SMR polyvalents
(Art. D. 6124-177-7 s. CSP)

Les SMR polyvalents disposent désormais de conditions techniques spécifiques, qui viennent se cumuler avec les conditions communes à l’ensemble des mentions spécialisées. On retiendra notamment :

  • l’intégration obligatoire d’un masseur-kinésithérapeute dans l’équipe pluridisciplinaire, encore que le décret ne précise pas l’effectif ou le temps requis en fonction du volume de patients ;
  • la nécessité de pouvoir proposer à chaque patient au moins deux pratiques thérapeutiques parmi les suivantes : masso-kinésithérapie, ergothérapie, diététique, orthophonie, prise en charge psychologique, psychomotricité, activité physique adaptée ;
  • l’exigence pour le médecin coordonnateur de justifier d’une formation ou d’une expérience attestée en réadaptation [13]. Il est recommandé pour les nombreux titulaires d’autorisation de SSR polyvalents d’expliciter dans leur futur dossier d’autorisation le respect de ces exigences nouvelles.

Quelques évolutions pour les SMR gériatriques
(Art. D. 6124-177-11 s. CSP)

Les SMR ne seront pas dotés de conditions d’implantation spécifiques. Quant aux conditions techniques de fonctionnement, elles changent peu. Notons en particulier :

  • la nécessité de disposer ou d’accéder à un plateau neurocognitif, là où l’ancien texte évoquait un plateau technique d’exploration et de rééducation spécialisé ;
  • la qualification du médecin coordonnateur, qui doit être spécialisé en gériatrie ou justifier d’une formation ou d’une expérience attestée en gériatrie [14], sans plus de précision ;
  • l’obligation pour l’établissement de proposer au patient une prise en charge dans au moins trois pratiques thérapeutiques parmi les sept suivantes : masso-kinésithérapie, ergothérapie, diététique, psychomotricité, orthophonie, prise en charge psychologique, et, discipline nouvelle, activité physique adaptée.

Ces nouvelles dispositions entrent en vigueur le 1er juin2023. Les schémas régionaux de santé devront être modifiés pour prendre en compte ces nouvelles normes au plus tard le 1er novembre 2023. Titulaires d’autorisation d’activités de SSR, il est temps de vous pencher sur l’examen de ces nouvelles règles du jeu !


[1] L’activité d’HAD deviendra ainsi une activité de soins à part entière, après avoir été successivement une alternative de l’activité d’hospitalisation à temps plein, puis la modalité d’une activité de soins.

[2] Cf blog JuriSanté pour suivre les évolutions réglementaires au fur et à mesure de la parution des textes, www.cneh.fr, rubrique blog JuriSanté.

[3] JO du 13 janvier 2022.

[4] Conditions d’implantation.

[5] Conditions techniques de fonctionnement.

[6] Soins de suite et de réadaptation-SSR (solidarites-sante.gouv.fr), mars 2022.

[7] Art.R.6123-118 CSP.

[8] Art.R.6123-119 CSP.

[9] Soins de suite et de réadaptation-SSR (solidarites-sante.gouv.fr).

[10] Actuel article D.6124-177-3 CSP.

[11] À la seule exception de la mention « grands brûlés ».

[12] Selon la mention spécialisée.

[13] Il était auparavant laconiquement demandé que le médecin coordonnateur justifie d’une formation et d’une expérience adaptées à la nature des prises en charge spécialisées mentionnées dans l’autorisation.

[14] L’actuel article D.6124-177-49 est plus restrictif puisqu’il exige que le médecin coordonnateur soit qualifié spécialiste en gériatrie ou titulaire de la capacité en gériatrie.