ARTICLE – CPTS : 4 lettres à retenir

Catégorie : Organisation sanitaire et médico-sociale
Date : 01/03/2019

Article paru dans la revue Gestions hospitalières, n°583, février 2019

Par Aude CHARBONNEL, juriste, consultante au centre de droit JuriSanté du CNEH

Créées par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) vont connaître dans les années à venir un nouvel essor. En effet, l’objectif annoncé à l’automne dans le plan gouvernemental « Ma santé 2022 » est un maillage complet des territoires avec la création de 1000 CPTS[1] !

Mode d’organisation territorial de la santé et espace de coordination des professionnels de santé, les CPTS seraient l’outil parfait pour répondre aux besoins sanitaires, sociaux et médico-sociaux d’une population sur un territoire donné. Alors les CPTS, modèle idéal… ou mirage?

  1. Les CPTS d’aujourd’hui

Le diagnostic a été posé en 2016 puis confirmé en 2018 :

– difficultés pour organiser une réponse aux urgences qui relèvent des soins de ville,

– nécessité de mieux faire coopérer les professionnels de santé et de proposer plus d’actions de prévention.

L’exercice isolé est dès lors considéré comme un frein et devrait devenir l’exception d’ici à 2022.

Reconnues à l’article L1434-12 du code de la santé publique, les CPTS sont l’association de professionnels de santé du premier et du second recours, et d’acteurs sociaux et médico-sociaux, sur la base d’un projet de santé, pour une meilleure organisation des parcours de patients. Elles émanent de l’initiative des acteurs de santé, en particulier des professionnels de santé de ville.

Les données remontées par les ARS font état d’un peu plus de 200 projets de CPTS dont une vingtaine définitivement validées au 30 juin 2018[2]. Dans son rapport sur le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé, l’IGAS (août 2018) souligne que ce nombre relativement élevé de projets témoigne du dynamisme des professionnels de santé, et tend à montrer une certaine appropriation de « l’idée de CPTS ». Cette analyse n’est toutefois pas partagée par l’ensemble des acteurs. Beaucoup regrettent que les incitations nationales au soutien à l’émergence des CPTS soient restées très modestes et déplorent l’absence d’un financement pérenne.

  1. Les CPTS de demain

Le plan « Ma santé 2022 » a largement pour objectif d’améliorer l’offre de soins dans les zones les plus défavorisées. Ainsi afin de mieux mailler le territoire, il est prévu le déploiement de 1000 CPTS, fédérant des acteurs libéraux de proximité autour d’une population donnée.

  • Les missions des CPTS

Les CPTS se verront confier 6 missions socles[3] :

  • La réalisation d’actions de prévention,
  • La garantie d’accès à un médecin traitant pour tous les habitants du territoire,
  • La réponse aux soins non programmés, c’est-à-dire la possibilité d’obtenir un rendez-vous dans la journée, en cas de nécessité,
  • L’organisation de l’accès à des consultations de médecins spécialistes dans des délais appropriés,
  • La sécurisation des passages entre les soins de ville et l’hôpital, notamment pour anticiper une hospitalisation ou préparer la sortie de l’hôpital après une hospitalisation,
  • Le maintien à domicile des personnes fragiles, âgées ou poly-pathologiques.
  • La création des CPTS

Les porteurs de projet cherchent en première intention à résoudre un problème opérationnel (démographie médicale, sujet de santé publique, lien ville-hôpital ou organisation des soins non programmés notamment)[4]. Ils étendent généralement ensuite leur perspective par une approche populationnelle, et s’attachent à élargir le champ thématique et le nombre de professionnels mobilisables autour du projet. Ils développent des outils « à leur main » et s’appuient sur les ressources existant par ailleurs, selon des organisations juridiques ou administratives très légères.

Cette logique de projet est plus poussée dans les CPTS, et c’est ce qui les distingue des équipes de soins primaires (ESP), elles aussi reconnues par la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 :

« Ce sont des équipes projets, s’inscrivant dans une approche populationnelle. Le projet ne vise pas seulement à améliorer la réponse à la patientèle de chaque acteur mais aussi à organiser la réponse à un besoin en santé sur un territoire. C’est une approche de responsabilité populationnelle au sens où les différents acteurs acceptent de s’engager dans une réponse, qui peut impliquer pour eux de prendre part à des actions ou d’accueillir des patients, sortant de leur exercice et de leur patientèle habituels[5]»

  • Le statut juridique des CPTS

Les CPTS sont un label, il faut donc trouver les bons outils! La loi n’impose aucune forme juridique particulière.

L’ensemble des projets de CPTS examinés par la mission IGAS est constitué sous forme associative. L’organisation associative est privilégiée en raison de sa simplicité. Elle permet en effet d’associer un grand nombre d’acteurs (publics et privés), selon une gouvernance très souple[6].

  • Les membres des CPTS

La CPTS est composée de professionnels de santé regroupés, le cas échéant, sous la forme d’une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours et d’acteurs médico-sociaux et sociaux. Les établissements de santé, publics et privés peuvent donc être membres d’une CPTS.

C’est la participation des acteurs essentiels à la CPTS qui en garantit la crédibilité. Pour autant, il n’est pas attendu une participation exhaustive des professionnels d’un territoire. Un projet ne doit pas nécessairement comporter des représentants de l’ensemble des catégories d’acteurs pouvant être partie prenante à une CPTS mais il est nécessaire que l’ensemble des acteurs utiles à l’amélioration effective de l’accès aux soins comme à la continuité des parcours de santé soient intégrés.

Ainsi, les membres de la CPTS doivent trouver un intérêt à agir pour la résolution pragmatique de problèmes au service de la population. Une telle motivation permet aux professionnels de santé d’identifier rapidement la valeur ajoutée de la CPTS pour leur pratique quotidienne. Dès lors, le nombre et le type de professionnels concernés varient selon les projets et pourront évoluer dans le temps.

  • Le pilotage des CPTS

La loi de modernisation du système de santé avait volontairement prévu un dispositif souple afin de ne pas contraindre les initiatives et les projets. La future loi ne devrait pas davantage donner de précision sur pilotage. Tout est à construire selon les acteurs.

  • La taille des CPTS

Il n’y a pas de taille préconisée. C’est le territoire qui détermine le projet et, pour mémoire, le territoire couvert par le projet de la CPTS correspond à celui de la population concernée par le projet. Aucune norme préalable à la définition du projet n’est donc posée.

Sur les 200 constituées, l’IGAS constate que les CPTS diffèrent sensiblement selon la taille et la nature du territoire. Au-delà de la nature du territoire, les projets de CPTS varient en fonction de « l’historique » des liens entre professionnels de médecine ambulatoire sur le territoire.

  • Le projet de santé

Le projet de santé élaboré par les acteurs de la CPTS devra être transmis à l’ARS dans une perspective de contractualisation.

Il est nécessaire que le projet précise en particulier : les besoins identifiés, les actions proposées pour y répondre, le territoire d’action de la communauté, les engagements des professionnels, les modalités de leur travail pluriprofessionnel – organisation des concertations, protocole(s) pluriprofessionnel(s), dispositif d’information sécurisé permettant le partage des données, traduction dans l’activité quotidienne des structures de soins et des services adhérant à la CPTS et les modalités d’évaluation de l’action de la CPTS.

  • Le financement des CPTS

Les CPTS vont bénéficier d’un financement pérenne, dans un cadre conventionnel, et tous les professionnels de santé libéraux vont être incités à s’inscrire dans une responsabilité territoriale. Des financements seront ainsi priorisés vers les professionnels exerçant collectivement.

Des mesures ont d’ores et déjà été adoptées en la matière. Ainsi, les centres de santé médicaux et polyvalents déjà implantés en zone sous dense et impliqués dans des démarches de prise en charge coordonnée, qui appartiennent à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ou à une équipe de soins primaires (ESP) peuvent signer avec l’ARS et l’Assurance-maladie un contrat tripartite dit « de stabilisation et de coordination » qui leur permet de bénéficier de financements complémentaires[7].

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 a inclus dans son article 42 les CPTS et la nouvelle fonction d’assistant médical dans le champ conventionnel[8].

Globalement, le ministère de la santé a demandé la rédaction d’un accord conventionnel interprofessionnel pour « accompagner le développement des organisations et des outils nécessaires à un exercice mieux coordonné, avec notamment la mise en place d’au moins 1000 CPTS ». Sans accord d’ici fin avril sur les CPTS, il pourrait recourir à la loi pour organiser le regroupement des professionnels de santé libéraux. Les premières réunions de travail sur l’exercice coordonné ont déjà commencé.

  • Les impacts pour les établissements de santé

Effet taille, histoire des territoires, cultures professionnelles différentes, … les raisons ne manquent pas pour expliquer que la liaison ville-hôpital ne se soit pas mise en place avec d’autant d’ambition et de réussite, dans tous les territoires.

Une chose est sûre cependant : le plan gouvernemental « Ma Santé 2022 », qui devrait donner lieu à une loi dans le courant de l’année, est très clairement « hospitalo-décentré ».

Dans ces conditions, la question est de savoir quelle place l’hôpital peut prendre dans ce dispositif. Membre d’une CPTS ou partenaire, cela reste à déterminer en fonction des enjeux locaux notamment. Il serait toutefois dommage que les établissements publics de santé se désintéressent de ce qui s’annonce comme une petite révolution des soins de ville. A minima, qu’ils en soient les spectateurs attentifs !

Et la réforme « Ma Santé 2022 » est à ce titre plus exigeante, puisque les textes devraient en principe introduire la participation de représentants des CPTS à la commission médicale d’établissement (CME) et au conseil de surveillance des hôpitaux de proximité.

Cela dit, au-delà de la contrainte, il y a l’opportunité pour les hôpitaux : qu’ont-ils à gagner à voir se développer les CPTS et à nouer des partenariats avec ces structures ? Bien sûr, il y a un effet d’aubaine, puisque les CPTS pourront bénéficier de financements fléchés : recrutements d’assistants médicaux, financements conjoncturels ou structurels…

Mais plus avant, les CPTS constitueront un interlocuteur unique et institutionnel de l’hôpital pour le développement des filières. L’identification des acteurs peut en être facilitée pour les professionnels hospitaliers. Les organisations soignantes peuvent y gagner : préparation de la sortie et du retour à domicile, protocoles communs, permanence des soins…

Sans compter une possible mutualisation des moyens (partage de locaux, d’équipements, d’expertises), dont les acteurs pourront tirer profit.

Les CPTS n’intéressent dans ce contexte pas que les hôpitaux de proximité, mais également tous les établissements de santé déployant une offre de proximité.

Un partenariat conventionnel est à envisager à cet égard, afin d’enraciner la CPTS dans le tissu sanitaire local, et de responsabiliser les établissements de santé dans la stabilisation de l’offre de soins de ville.

A retenir :

L’article L1434-12 du code de la santé publique (projet de loi) devrait être complété concernant :

– l’approbation du projet de santé par l’ARS au regard des objectifs du projet régional de santé

– les mesures transitoires pour les projets de santé déjà déposés à la publication de la loi

[1] MA SANTÉ 2022 UN ENGAGEMENT COLLECTIF, dossier de presse, 18 septembre 2018, p. 21

[2] Rapport IGAS, « Déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé Appui à la DGOS », août 2018, p. 3

[3] MA SANTÉ 2022 UN ENGAGEMENT COLLECTIF, dossier de presse, 18 septembre 2018, p. 22

[4] Rapport IGAS, « Déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé Appui à la DGOS », août 2018, p. 32

[5] INSTRUCTION N° DGOS/R5/2016/392 du 2 décembre 2016 relative aux équipes de soins primaires (ESP) et aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)

[6] Rapport IGAS, « Déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé Appui à la DGOS », août 2018, p. 33

[7]  INSTRUCTION N° DSS/SD1B/DGOS/PF3/CNAM/2018/151 du 19 juin 2018 relative à la mise en œuvre des contrats démographiques définis dans l’avenant n°1 à l’accord national destiné à organiser les rapports entre les centres de santé et les caisses d’assurance maladie signé le 23 mai 2017 et visant à améliorer la répartition des centres de santé médicaux et polyvalents sur le territoire

[8] L’inscription du professionnel dans un exercice coordonné ou une CPTS deviendrait ainsi une condition au financement des postes d’assistants médicaux. Cf dossier de presse « ma santé 2022 », septembre 2018, p. 24